Pour parvenir à une transition énergétique accessible et abordable, il est essentiel d'explorer toutes les options. Parmi celles-ci, l’hydrogène est étudié de près par Sibelga. Mérite-t-il sa place dans le futur mix énergétique ?

Alors qu’on l’attendait comme le nouvel « or vert », l’hydrogène tarde à tenir toutes ses promesses. Les faibles volumes disponibles ainsi qu’un coût de production élevé restent pour l’instant les principaux freins à son développement.

Faut-il pour autant abandonner cette molécule prometteuse ? Selon les dernières études auxquelles a participé Sibelga, il a toujours sa place dans notre avenir énergétique.

Pourquoi l’hydrogène ?

Si l’hydrogène fait beaucoup parler de lui, c’est notamment parce que c’est le gaz décarboné ultime : sa combustion ne génère que de l’eau, donc aucun polluant.

Mais pour être véritablement neutre en carbone, encore faut-il qu’il soit produit à partir d’énergie renouvelable, ce qu’on appelle l’hydrogène vert. Si l’électricité utilisée pour le produire n’est pas d’origine renouvelable, l’hydrogène ne l’est pas non plus. Et sa fabrication dégage donc indirectement du CO2.

Contrairement à l’hydrogène gris, dont le procédé de fabrication génère des émissions de CO2, l’hydrogène vert est fabriqué en utilisant de l’énergie renouvelable.

Une stratégie ambitieuse

Le développement de l’hydrogène fait partie des priorités de l’Union européenne. Elle a pour ambition de produire 10 millions de tonnes d'hydrogène vert et d'en importer 10 millions d'ici 2030.

La Belgique a, quant à elle, publié dès 2021 sa stratégie hydrogène avec l’ambition d’être la plaque tournante de l’hydrogène en Europe. Elle ambitionne ainsi de construire environ 150 km de réseau de transport d'ici 2026 et d'importer 20 TWh de molécules renouvelables d'ici 2030.

L’hydrogène vert est produit grâce à un électrolyseur qui sépare l’eau en hydrogène et en oxygène avec de l’électricité de source renouvelable.

Une molécule aux multiples facettes

L'hydrogène joue déjà un rôle important dans notre économie. Il est par exemple intensément utilisé dans l'industrie lourde, pour :

  • La fabrication de l'acier à partir de minerai de fer dans les aciéries.
  • La préparation de l'ammoniac, qui permet de composer des engrais azotés pour l'agriculture.
  • La fabrication des carburants de synthèse (e-fuel).

Mais de l’hydrogène produit durablement pourrait également être mis à profit pour la transition énergétiques. Les possibilités sont nombreuses :

  • Stockage d’énergie renouvelable.
  • Carburant décarboné dans le transport.
  • Combustible propre pour le chauffage.

Sibelga étudie son potentiel

Sibelga participe à de nombreux projets afin de répondre aux questions techniques et opérationnelles qui subsistent.

En 2020, un projet ambitieux nommé "Hydrogen to Grid National Living Lab" (H2GridLab) a été lancé pour étudier la praticabilité du déploiement de l'hydrogène à Bruxelles.

Le MØDÜLL premier bâtiment du Living Lab (aujourd’hui décommissionné), a servi de terrain d'essai pour le test d’applications résidentielles fonctionnant aux gaz alternatifs.

D’autre part, une étude réalisée pour Sibelga par SWECO et Deloitte en 2022 a exploré le rôle que l'hydrogène pourrait jouer à Bruxelles.

En 2023, Sibelga a également reçu un financement du Fond de Transition Énergétique (FTE) afin de soutenir ses initiatives innovantes autour de l'hydrogène dans la capitale belge.

Nous faisons également partie de l’Alliance européenne pour l’hydrogène propre qui vise à soutenir le déploiement à grande échelle des technologies de l’hydrogène propre d’ici à 2030.

Sibelga participe aussi à la Task Force Energie avec Brugel et Bruxelles Environnement afin de déterminer l'avenir du chauffage à l'horizon 2050, et notamment la place que pourrait y tenir l’hydrogène.

Quel avenir pour l'hydrogène à Bruxelles ?

Chauffage des bâtiments

Les premiers tests indiquent qu’il est possible d’intégrer jusqu’à 10 % d’hydrogène au gaz naturel en utilisant les infrastructures existantes, moyennant certaines adaptations. La contribution à la décarbonisation serait cependant limitée en raison de la faible densité énergétique de l’hydrogène. Au final, cela ne représenterait que 3,2 % de l'énergie totale.

Un réseau 100 % hydrogène permettrait une réduction des émissions de gaz à effet de serre plus  significative. mais nécessiterait des investissements conséquents :

  • Au niveau du réseau : remplacement de la majorité des conduites de gaz ainsi que de tous les autres composants du réseau (vannes, compteurs,...).
  • Au niveau des utilisateurs :  remplacement de l’ensemble des appareils de chauffage par des appareils compatibles.

Quelle que soit l’option envisagée, l'utilisation de l'hydrogène pour le chauffage des bâtiments ne semble toutefois pas envisageable avant 2040 au plus tôt. Le principal inconvénient de l'hydrogène pour le chauffage réside aujourd’hui dans sa faible disponibilité, en grande partie due au rendement limité des processus de production et de conversion.

Ainsi, l’hydrogène n’arriverait pas en suffisance et pas suffisamment tôt à Bruxelles pour représenter une alternative crédible pour l’atteinte des objectifs climatiques de 2050. Il est probable que les quantités éventuellement disponibles seront attribuées en priorité aux autres secteurs.

50 % d’hydrogène à faible émission d’ici 2030

Selon le dernier rapport de l'AIE (Agence Internationale de l'Energie), la production mondiale en hydrogène a atteint 97 millions de tonnes (Mtpa) en 2023, dont moins d’1 % fut à faible émission (principalement de l’hydrogène bleu). Sur base des projets en cours, cette part pourrait toutefois grimper à plus de 50 % d’ici 2030.

Industrie et transport lourd

L'hydrogène aura probablement un rôle à jouer pour les procédés et applications qui ne peuvent pas être directement électrifiés.

A moyen terme, l’hydrogène verts pourrait être un des piliers de la décarbonation dans l’industrie lourde et les transports routiers, ferroviaires, maritime et aérien.

Dans un premier temps, l'accent serait mis sur les industries qui représentent plus de 35 % des émissions totales de CO2 en Belgique. Deux types d'industries sont pris en considération :

  • celles qui ont besoin de températures élevées pour leurs processus ;
  • celles qui utilisent actuellement le méthane comme matière première facile à remplacer. 

Les industries dont les émissions de CO2 sont difficiles à réduire, comme les usines de chaux et d'acier, devront adopter le captage du carbone (CCUS) en plus de l’hydrogène comme matière première, car 70 % de leurs émissions de CO2 sont inhérentes à leurs processus. 
 

L’industrie et les transports lourds pourraient être les premiers consommateurs d’hydrogène vert.

Un impact limité à Bruxelles

Bien que l’hydrogène ait un rôle à jouer dans l’industrie, son impact potentiel à Bruxelles reste limité. En 2023, la consommation de gaz de l’industrie ne représentait qu’un peu plus de 3 % du total de la Région. Si l’on ne retient que les industries les plus difficiles à électrifier, cette part représente moins de 0,5 %.

Stockage d’énergie renouvelable

L'hydrogène pourrait également jouer un rôle dans le stockage de l'énergie renouvelable. Les batteries sont de plus en plus performantes, mais elles conviennent davantage à un stockage à court terme.

Nous bénéficions des 3/4 de l'énergie solaire de mai à septembre et 1/4 le reste de l'année, lorsque nos besoins en énergies sont plus importants. Or une batterie ne peut stocker efficacement de l'énergie aussi longtemps.
 

Une question d’efficacité

L'efficacité énergétique de l'hydrogène est toutefois bien moindre que celle des batteries. L’électricité produite à partir d’hydrogène est une énergie dite « secondaire » car elle est produite en transformant l’énergie « primaire », à savoir l’hydrogène en lui-même. Entre l'énergie primaire et l'énergie secondaire, l'hydrogène a une efficacité de 30 à 35 %, contre 85 à 90 % pour la batterie.

Un écosystème en développement

L’hydrogène pourrait être intégré au futur mix énergétique s’il est disponible et abordable. Parmi les freins au développement à grande échelle de l’hydrogène vert, figure son coût de production.

Tant qu’une incertitude subsistera sur les prix de l’électricité à moyen terme, il sera difficile de concrétiser de grands projets dans l’hydrogène. C’est pourquoi la mise en place de politiques publiques favorisant la production bas carbone d’hydrogène joue un rôle crucial.

À mesure que les technologies et les infrastructures de production d'hydrogène se développeront, elles bénéficieront d'économies d'échelle qui réduiront le coût unitaire de l'hydrogène. Une infrastructure bien développée pour le stockage et la distribution permettra aussi de réduire les coûts logistiques et d’améliorer l'efficacité globale de la chaîne d'approvisionnement.

Avec Fluxys et les autres gestionnaires belges de réseau de distribution, nous travaillons activement à l'intégration de l'hydrogène dans le mix énergétique. Si certains projets industriels sont aujourd’hui retardés, d’autres se concrétisent. Ainsi, Fluxys développe actuellement un premier réseau de transport d’hydrogène entre Zeebrugge et Bruxelles, dont la première partie a été mise en service en 2024.